Séjour d’un « con » à la maternité (3)

26 septembre 2014

Séjour d’un « con » à la maternité (3)

Entre cette avare de femme et cette jeune femme enceinte que j’ai vu mourir, le vigile de cette soirée n’a pas été épargné. La paire de gifle qu’il a reçu quelques minutes plus-tôt a crée un tohu-bohu dans le pavillon. Voici comment, les choses se règlent dans les mapanes.

A la maternité
A la maternité

Spéciale recommandation : https://soundcloud.com/papy-anza/papy-anza-meelanedi

On ne se connaissait pas. Mais, la douleur était plus forte que moi. Les larmes dégoulinaient sans arrêt sur mes joues. Après le décès de cette jeune dame au bloc d’accouchement. Tout ça à cause de l’égoïsme très poussé de sa mère (Lire le texte ici). Sans aucun remords, elle a sorti une liasse de billets de banque de son portefeuille afin de payer la garde les corps (si je compte le fœtus encore dans le ventre) à la morgue. De peur de lui passer un savon verbal, je suis retourné, à pas lourd, dans la chambre de mon malade. Toujours dans ce pavillon maternité. Dans la salle B 5-4. Dans cette chambre privée, je peux dire que celle-ci était à l’abri des voleuses de bébés et des cris des femmes en travail. Ma poto Chouchou Mpacko, sur Twitter, l’a rapidement rebaptisé ça le #BabyBoom (Lire le texte ici).

Je suis assis sur un tabouret. Ma tête posée sur le matelas du lit principal de la pièce. Le second est bel et bien celui du bébé. Dans cette tête s’enchainent les scènes vécues jusqu’ici dans ce centre hospitalier. Subitement, mon angoisse cède place à un éclat de rire, sans pareil. Mon malade est surprise. Je la rassure, ce n’est pas un début de démence. Mais cette histoire, digne des feuilletons brésiliens qu’on nous sert à la télévision chaque soir, entre le vigile et une visiteuse quelques heures plus-tôt. On aurait cru à une soirée de mauvaise passe entre « Marimar et Sergeo ». Juste un flash-back et un salut bien bas à ses dames qui laissaient leur marmite et maison brûlées à cause de cette série télévisée.

Dans les coulisses de l'hôpital
Dans les coulisses de l’hôpital

Il est 18h10. C’est officiellement l’heure des visites. Au portail qui mène au couloir principal de ce pavillon, l’entrée est filtrée par le vigile en faction. Il n’admet pas plus de deux visiteurs, en plus du garde-malade, dans une salle. C’est la consigne, dit-il. Les minutes s’égrainent. Dans la populace bloquée au portail, une dame, drapée dans son pagne et tenant un panier en main, rougit de colère. Cela fait près de deux heures comme elle est arrivée. Les propos qu’elle adresse au vigile ne sont guère des louanges.

–          Apprenez à bien faire votre travail, hein. Ça fait près de 2h que je suis placée ici et tu refuses que j’entre, dit-elle.

–          Madame, vous allez encore attendre. On ne gronde pas ici. Il faut aller faire ça à votre mari, rétorque le vigile.

–          Tu es qui pour me parler ainsi ? Un pauvre et petit vigile comme ça. Tu dois me laisser entrer parce que mon malade est seul et elle n’a pas mangé depuis le matin.

–          C’est ton problème si elle n’a pas mangé. Toi qui es riche, tu faisais quoi alors depuis le matin pour qu’elle reste affamée ? C’est toi la pauvre, pas moi.

–          Si tu laisses encore quelqu’un entrer ici, j’entre aussi. C’est même quoi ça ? C’est ce qu’on vous apprend ici ? Où  va le Cameroun ?

–          Tu entreras ici la dernière, dit-il en laissant une autre visiteuse entrer.

A la porte d'un autre univers
A la porte d’un autre univers

La dame, sans hésiter, bondit sur le portail. Repoussée par le vigile, elle lui assène une paire de gifle. Bien appliquée. On dirait la taloche du Professeur Occultis au petit Roddy dans la bande dessinée « Bleck le roc » ou de Rasmus à Yéyé dans « Zembla ». Dans la foulée, les témoins de la scène, plus baraqués, lui ont interdit de riposter. En plus, il devait aller accompagner la dame avec son panier de nourriture. De peur d’écoper une sérieuse bastonnade, il a obtempéré. Tel un chien bien dressé par son maître. Celui qui s’estimait être le Goliath il y a quelques minutes venait ainsi de tomber (comme dans la Bible) face à (la petite) David. Une humiliation. Puisque jusqu’à mon départ de l’Hôpital central de Yaoundé, le gars ne bronchait plus. J’ai finalement compris que dans les « mapanes », l’acteur peut mourir dans son propre film !

Frank William BATCHOU

Ecrit le 6 mars 2014.

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